De la bonne monnaie

L’Union de Fribourg, une association internationale de chercheurs catholiques qui s’est réunie pendant une décennie et demie dans la ville catholique mixte franco-allemande de Fribourg, en Suisse, a participé au développement de l’enseignement social de l’Église et a largement contribué à la formulation de l’encyclique Rerum Novarum par ses débats et ses prises de position. La contribution de l’Union revêt également une grande importance idéologique et historique, dans la mesure où les responsables sociaux et économiques conservateurs critiquaient le capitalisme contemporain parallèlement aux idéologies collectivistes émergentes, tout en s’y opposant radicalement. L’histoire n’a pas été tendre avec l’Union : ses membres n’étaient pas autorisés à parler publiquement de leur travail, et les documents, principalement en français (et dans une moindre mesure en allemand et en latin), n’ont jamais été rendus publics, ont été en partie dispersés et en partie détruits, surtout après la destruction des archives du directeur des études de l’Union (1914).
Reflétant les changements intervenus dans les conditions économiques et sociales européennes dans les années 1880 et 1890, les documents cherchaient à esquisser un modèle d’économie durable qui soit humaniste, éthique et fondé sur les principes de la justice sociale et de l’inviolabilité de la propriété, tout en reconnaissant la crise du système capitaliste. Les réflexions reconnaissant la nécessité d’une intervention de l’État et les motivations individuelles sont évidentes non seulement dans les documents de discussion, mais aussi dans les procès-verbaux des différentes réunions. La différence entre les Français et les Allemands et entre les réalités sociales de l’Europe occidentale et de l’Europe centrale est palpable. L’Union, qui mettait en garde contre la fragmentation de la structure de la propriété, l’urbanisation, le développement économique dissocié de l’économie réelle et l’imminence d’une crise internationale des finances et du crédit, considérait l’économie nationale de l’époque comme indissociable de ses fondements religieux et confessionnels.
Les craintes des experts internationaux se sont finalement confirmées : la Première Guerre mondiale et la crise économique qui s’en est suivie ont inévitablement conduit à des réformes des systèmes capitalistes, dont plusieurs ignoraient les principes religieux et éthiques qui renforçaient le système. Ces systèmes ont tous été renversés au cours du vingtième siècle, justifiant ainsi les préoccupations de l’Union de Fribourg concernant les fondements moraux de la soutenabilité économique et sociale.