Le voyageur

Le voyageur pénètre dans une région qu’il croit connaître. Aussitôt il est happé par une fantasmagorie où les vraisemblances sont piégées, où les cohérences se dissolvent dans l’absurde, où le temps lui-même dérape et s’enchevêtre. Cet univers - en fait un tout petit canton - semble avoir subi un choc, peut-être au cours d’une guerre indéterminée, qui a engourdi la masse, mais précipité les autres dans une agitation frénétique dont le sens échappe au voyageur. En fait, ces tensions et ces initiatives disparates, l’auteur a su les conjuguer dans un tissu si serré qu’on ne saurait faire abstraction d’une seule sans détruire toute la trame. De l’ensemble se détachent quelques individualités puissantes, hommes ou femmes, - souvent cocasses ou saugrenues, quelques-unes touchantes, étincelantes. À travers conflits, incendies, destructions, effondrement final du pays lui-même, le voyageur poursuit son errance. Qu’au terme du parcours, il ait trouvé ou perdu à jamais ce qu’il cherchait, le lecteur en jugera selon lui-même. Mais il aura certainement ressenti pour sa part ce climat fait d’un mélange unique d’angoisse et d’ironie. Davantage : interpellé lui aussi par les personnages du drame dont chacun porte à sa manière les convictions, les tumultes et les contradictions de la vie, il constatera, comme le dit le voyageur, qu’il n’est plus tout à fait le même depuis qu’il les a rencontrés.