Un père dénaturé

Un projet auquel Sartre n’a jamais cessé d’être fidèle court à travers toute son œuvre : affirmer ou sous-entendre constamment l’irréductibilité de l’esprit à la matière. Malheureusement cette philosophie, qui, lorsqu’elle combat sous ses couleurs, n’est autre que le cartésianisme, est a priori une métaphysique et suppose une théologie. Tel est donc le dilemme sartriste : maintenir contre vents et marées histoire et dialectique, marxisme et darwinisme, un dualisme sans Dieu ou un monisme sans être. C’est cet aspect fondamental du sartrisme que Jacques Houbart a pris dans sa ligne de mire. Cet ouvrage se découpe naturellement en trois chapitres : I. La thèse de Sartre contre la dialectique de la nature, ou Sartre dans la nature ; II. La culbute antithétique de Sartre qui, retombé dans la théologie, doit introduire de nouveau des rudiments matérialistes en façade, ou La nature dans Sartre ; III. La synthèse du philosophe raisonnable qui juge le manque de sérieux d’un sophisme dont l’argument fort se réduit à ceci : « Le matérialisme n’est au fond qu’un discours sur l’idée de matière » ; sur un tel mot on liquide toute théorie du langage, toute philosophie et toute science ; c’est Sartre pris au mot. L’étude de Jacques Houbart propose la première mise en question sérieuse de la philosophie de Sartre.