Et si les fées n’avaient plus envie d’exaucer des vœux ? Et si les princesses n’étaient pas aussi parfaites qu’on nous l’a toujours raconté ? Avec Marraine, Émilie Chevallier revisite les contes de fées en leur donnant un souffle résolument moderne, drôle et un brin grinçant. Le roman suit la célèbre marraine des contes de Perrault, installée à New York, qui aspire à une vie bien plus libre que celle dictée par ses obligations séculaires.

Quand la fée des Lilas en a assez

Dans l’imaginaire collectif, la marraine féérique est synonyme de douceur, de générosité et de magie. Mais Émilie Chevallier s’amuse à briser ce cliché. Son héroïne, Marraine Perrault, mène désormais une vie d’autrice new-yorkaise, où l’ennui et la lassitude se disputent son quotidien. Après des siècles à sauver la mise à ses célèbres filleuls – Cendrillon, Aurore, Peau-d’Âne ou encore Riquet – elle rêve de jeter sa baguette aux orties.

Car, loin de l’image idéalisée, ces protégés ont mal tourné et se révèlent ingrats, égoïstes ou carrément insupportables. Ce décalage entre le rêve du conte et la réalité dépeinte ici apporte une dimension comique mais aussi profondément humaine à l’histoire : la marraine n’est plus une figure figée, mais une femme fatiguée, en quête d’un bonheur qui lui appartienne.

Moderniser les contes pour mieux les comprendre

Marraine s’inscrit dans une tendance littéraire contemporaine : la réécriture des contes de fées. Mais loin d’un simple pastiche, le roman propose une réflexion sur le poids des rôles que l’on nous impose. La fée, figure de l’abnégation et du sacrifice, questionne ses propres désirs : a-t-elle le droit de penser à elle plutôt qu’aux autres ? Peut-elle revendiquer sa liberté au détriment de ses devoirs ?

Ce questionnement entre liberté individuelle et responsabilité collective fait écho à des problématiques bien réelles dans notre société moderne, où l’on demande souvent aux femmes de « tout gérer » – travail, famille, entourage – sans jamais faillir.

L’amour, toujours imprévisible

Le récit prend une tournure encore plus piquante avec l’arrivée du mystérieux Leu, un personnage qui réveille en Marraine des sentiments qu’elle croyait à jamais enfouis. Cette romance inattendue apporte une touche de fraîcheur et de passion à l’intrigue, tout en renforçant le dilemme central : suivre son cœur ou rester prisonnière de son rôle de gardienne magique.

Et bien sûr, comme dans tout bon conte, une ennemie de longue date refait surface : Malia Carabosse. Mais ici encore, les rivalités féériques sont revisitées avec modernité, loin des affrontements manichéens d’autrefois.

Une satire douce-amère des contes classiques

Ce roman pétillant et mordant joue sur le contraste entre les images idéalisées de notre enfance et une vision beaucoup plus réaliste, parfois cruelle, de ce que seraient les contes aujourd’hui. En choisissant de donner une voix à une marraine désabusée, Émilie Chevallier ouvre un espace de réflexion sur le mythe du « happy end » et sur la difficulté de trouver sa propre voie quand tout semble déjà écrit.

L’humour, l’autodérision et une pointe de cynisme rendent la lecture aussi divertissante qu’accessible, tout en invitant à repenser la place des femmes dans la fiction comme dans la réalité.

Une lecture pour petits et grands rêveurs

Avec son mélange de fantasy, de satire et de romance, Marraine séduira autant les amateurs de revisites de contes que les lecteurs et lectrices en quête d’histoires originales et décalées. C’est un roman qui amuse, questionne et surprend, offrant à la fois une bouffée de magie et une réflexion profonde sur la liberté et les choix de vie.

En définitive, Émilie Chevallier signe une comédie féérique moderne qui redonne du souffle aux contes tout en leur offrant une dimension résolument adulte.

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