Certaines histoires nous glacent parce qu’elles réveillent les peurs universelles, celles que nous avons tous connues enfants, tapis sous les draps, à craindre ce qui rôde dans l’obscurité. Avec Bouloulou, Chedli Ben Hassine signe un récit sombre et intense qui plonge dans cette angoisse originelle : le monstre que l’on croyait imaginaire est bien réel, et il revient toujours.

Quand l’ombre s’invite dans le quotidien

Alexis, personnage central du roman, est un jeune homme enfermé dans une vie qui n’est pas la sienne. Étudiant en école de commerce sous la pression d’un père autoritaire, il se sent à l’étroit dans un quotidien où rien ne lui ressemble. Sa véritable passion, c’est la peinture, et chaque mercredi, il s’évade dans son cours d’art, cette parenthèse de liberté qui lui permet d’exprimer son identité.

Mais cette respiration se transforme bientôt en cauchemar. Une créature qu’il connaît trop bien resurgit : le Bouloulou, une entité inspirée des djinns de la tradition arabe. Alexis est convaincu qu’il s’agit de la même silhouette terrifiante qui le hantait lorsqu’il était enfant et qu’il craignait le noir. Ce retour du monstre n’est pas seulement une hallucination : il marque le basculement de son existence dans l’horreur.

Le djinn, entre mythe et incarnation de la peur

Le Bouloulou n’est pas un simple fantôme. Il puise ses racines dans la mythologie des djinns, ces esprits issus des croyances arabes et musulmanes, souvent associés à la peur, au danger et à la transgression. Ici, la créature devient l’incarnation des angoisses enfouies, mais aussi le reflet d’un héritage culturel qui façonne l’imaginaire collectif.

Chedli Ben Hassine réussit le pari d’ancrer son récit dans cette tradition tout en lui donnant une portée universelle : le Bouloulou n’est pas seulement un mythe venu d’ailleurs, il est ce que chacun d’entre nous redoute dans ses nuits les plus noires.

L’art comme exorcisme

Pour Alexis, la peinture devient alors une arme contre la terreur. Obsédé par la créature, il la représente encore et encore sur ses toiles, comme pour l’apprivoiser ou la repousser. Mais peindre ses cauchemars ne les dissipe pas : au contraire, l’ombre semble se nourrir de cette attention.

C’est au cours d’une exposition qu’Alexis rencontre une jeune femme artiste, dont les tableaux questionnent également les stéréotypes et les peurs liées à la culture musulmane. Cette rencontre ouvre une nouvelle perspective : et si l’art pouvait être un moyen de déconstruire les figures monstrueuses imposées par l’imaginaire collectif ? Pourtant, le Bouloulou ne se laisse pas réduire à une métaphore. L’horreur s’incarne, la menace devient tangible.

Entre rédemption et descente aux enfers

Le roman explore avec intensité la frontière entre lutte intérieure et danger extérieur. Alexis cherche une forme de rédemption, comme si affronter le Bouloulou pouvait l’aider à se libérer de son passé, de son père autoritaire, de sa propre peur. Mais la créature semble l’attirer dans une spirale où chaque tentative de résistance se solde par un retour plus violent du mal.

Cette tension permanente entre libération et damnation nourrit le suspense du récit. Jusqu’où Alexis devra-t-il aller pour se confronter à ce djinn ? Peut-on vraiment échapper à une entité qui s’est nourrie de nos peurs les plus anciennes ?

Un premier roman horrifique prometteur

Avec Bouloulou, Chedli Ben Hassine livre un premier roman saisissant, à la croisée du fantastique et de l’horreur psychologique. Soutenu par une communauté de lecteurs qui l’ont immédiatement plébiscité, ce texte démontre une réelle maîtrise de la narration et une capacité à créer une atmosphère oppressante.

Les personnages, tous en proie au doute, reflètent la fragilité humaine face à ce qui échappe à la raison. Alexis, tiraillé entre ses rêves et son quotidien, incarne cette jeunesse en quête de sens, qui se heurte à ses propres ombres.

Bouloulou n’est pas seulement une histoire de monstre. C’est une plongée dans les angoisses de l’enfance, une réflexion sur la mémoire et l’art comme exorcisme, mais aussi un récit sur l’héritage culturel et la façon dont il peut façonner nos peurs. Avec ce texte fort et visuellement marquant, Chedli Ben Hassine ouvre une nouvelle voie dans le roman horrifique contemporain.

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