Il existe des récits qui, sous une plume à la fois drôle et incisive, dépeignent des réalités souvent invisibilisées. Mi-bottes, mi-talons – Ma vie de femme architecte au royaume de la testostérone d’Élisa Querub est de ceux-là. À travers ses anecdotes, l’autrice nous fait découvrir un quotidien où se mêlent chantiers poussiéreux, réunions tendues, courses de dernière minute et soirées entre amies. C’est le portrait d’une femme moderne qui, entre ambition et fatigue, doit trouver sa place dans un univers encore largement masculin : celui de l’architecture.

Une immersion dans un milieu sous tension

Le métier d’architecte fait souvent rêver, mais Élisa Querub nous montre l’envers du décor. Derrière les belles maquettes et les concepts séduisants, il y a les chantiers où la poussière colle aux bottes, les ouvriers qui doutent des compétences d’une femme, et les clients parfois capricieux qu’il faut convaincre à coups de patience et de diplomatie.

Dans ce « royaume de la testostérone », comme elle le nomme, il faut plus que des diplômes et de la créativité pour s’imposer : il faut du courage, de la ténacité, et surtout une bonne dose d’autodérision. L’autrice décrit ces scènes avec un humour mordant, transformant chaque difficulté en anecdote savoureuse.

Le grand écart entre bottes et talons

Le titre du livre illustre à merveille la réalité des femmes actives d’aujourd’hui. D’un côté, les « bottes » symbolisent les chantiers, le travail physique, l’endurance et la combativité nécessaires dans ce milieu. De l’autre, les « talons » représentent la vie sociale et familiale, les obligations domestiques et les attentes imposées à une femme moderne.

Élisa alterne entre ces deux univers sans jamais avoir le temps de souffler. Le matin, elle rassure un client inquiet, le midi elle surveille des travaux complexes, et le soir elle enfile un tablier pour préparer le repas de sa famille. Chaque instant devient une démonstration de son équilibre fragile entre ambition professionnelle et responsabilités personnelles.

Une charge mentale omniprésente

Le livre met aussi en lumière un sujet de société central : la charge mentale. Comment rester performante sur un chantier quand l’esprit est occupé par la liste des courses ou la réunion parents-professeurs du lendemain ? Comment être disponible pour ses proches tout en gérant la pression des délais et des budgets qui explosent ?

Élisa Querub ne se contente pas de dénoncer cette réalité, elle la raconte avec sincérité et humour. Elle ne se présente pas en héroïne infaillible, mais en femme réelle, qui court partout, qui doute parfois, et qui, malgré tout, avance avec énergie. Son récit devient ainsi un miroir pour toutes celles qui jonglent au quotidien entre plusieurs vies.

L’humour comme arme de résistance

Si le récit parle de fatigue et de difficultés, il n’est jamais pesant. Au contraire, c’est son humour piquant qui fait toute la force du livre. Chaque scène est racontée avec une légèreté qui arrache le sourire, même lorsqu’elle met en évidence des comportements sexistes ou des injustices criantes.

Cette approche permet d’aborder des problématiques sérieuses – la place des femmes dans les milieux masculins, l’équilibre vie pro-vie perso, le manque de reconnaissance – tout en gardant une tonalité accessible et vivante. On rit, on s’indigne, on se reconnaît parfois.

Un récit universel derrière la singularité

Même si le décor est celui de l’architecture, les thèmes abordés dépassent largement cette profession. Toutes les femmes (et de plus en plus d’hommes) confrontées à la double exigence professionnelle et personnelle se retrouveront dans ces pages. Qu’il s’agisse de jongler entre réunions, devoirs des enfants, relations de couple ou amitiés précieuses, Mi-bottes, mi-talons résonne comme un témoignage universel.

C’est cette universalité qui fait la richesse du livre : derrière les bottes pleines de poussière et les talons vernis, Élisa Querub parle surtout de ce que signifie être une femme aujourd’hui, au croisement de plusieurs identités et attentes.

Mi-bottes, mi-talons est un récit à la fois drôle, percutant et profondément humain. Élisa Querub réussit à transformer les contraintes et les difficultés en une fresque vivante du quotidien des femmes actives. Ce livre, accessible à toutes et tous, rappelle que l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle n’est jamais simple, mais qu’il peut être vécu avec humour, énergie et lucidité.

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