Dans Inishbofin, Gérard Coquet nous entraîne au cœur d’une Irlande brute et minérale, où le calme apparent des côtes battues par le vent masque des affaires aux ramifications internationales. Troisième volet de la triade irlandaise, ce roman mêle une atmosphère intimiste et des enjeux géopolitiques brûlants, avec une héroïne charismatique : Ciara McMurphy. Policier ou thriller, fresque humaine ou carte postale ? Ce livre est un peu tout cela à la fois, servi par la plume précise et évocatrice de l’auteur.
Un témoin encombrant et un choix inattendu
Salvatore Bonato n’est pas un criminel ordinaire. Comptable du terrorisme, il a longtemps œuvré dans l’ombre, manipulant des flux financiers opaques, blanchissant des fortunes illicites, construisant sa propre légende dans les marges des lois internationales. Lorsqu’il décide de se placer sous la protection des forces de l’ordre en échange d’informations capitales, c’est tout un réseau qui tremble.
Mais Bonato impose une condition inattendue : ne parler qu’à Ciara McMurphy, une policière de la Garda irlandaise. Pourquoi elle ? Cette dernière ne le connaît pas et n’a aucune idée de ce qui motive ce choix. Ce mystère devient le point de départ d’une relation complexe, faite de défiance, de curiosité et d’énigmes qui dépassent le cadre professionnel.
Ciara McMurphy : entre routine et tempête
Lorsque nous faisons sa connaissance, Ciara n’est pas plongée dans l’action frénétique d’une enquête. Au contraire, elle aspire à la tranquillité : observer les nuages au-dessus d’Aughrus Point, attendre l’ouverture de la pêche au printemps, perfectionner la fabrication de ses mouches artificielles. Cette lenteur apparente, typique de certaines vies insulaires, va être brutalement bousculée par la demande de Bonato.
Connue pour sa curiosité – un "vilain défaut" qui lui colle à la peau – Ciara ne peut s’empêcher de chercher à comprendre ce qui se cache derrière cette requête étrange. Sa vie, rythmée par les marées et les saisons, va se transformer en une course ponctuée de révélations inattendues et de confrontations avec un passé qu’elle ne soupçonnait pas.
Une intrigue au croisement des mondes
Inishbofin se distingue par sa capacité à mêler deux registres narratifs :
L’intrigue criminelle internationale, avec ses enjeux financiers, ses menaces diffuses et ses alliances troubles.
La peinture sensible d’une Irlande intemporelle, marquée par la nature, les traditions et un rapport au temps différent.
Ce mélange donne au roman une profondeur rare. Les paysages ne sont pas de simples décors : ils influencent l’intrigue, ralentissent ou précipitent les événements, et reflètent l’état d’esprit des personnages. Dans ce monde, une tempête de l’Atlantique peut être aussi menaçante qu’une machination terroriste.
Le poids des secrets et des choix
En suivant Ciara, le lecteur découvre un réseau de non-dits et de zones grises où la vérité se construit par fragments. Bonato, avec son art de la manipulation, ne livre jamais une information sans en attendre quelque chose en retour. Ciara, quant à elle, doit constamment naviguer entre instinct, éthique professionnelle et prudence.
L’intrigue explore aussi la solitude des enquêteurs confrontés à des affaires trop grandes pour eux, mais qu’ils doivent pourtant assumer. Ciara se retrouve ainsi face à des dilemmes moraux : protéger un homme dont les actes passés sont condamnables, au nom d’un bien plus grand ? Ou rester inflexible, quitte à laisser échapper des informations vitales pour la sécurité internationale ?
L’Irlande, personnage à part entière
Gérard Coquet connaît l’Irlande comme un habitant, pas comme un simple visiteur. Sa passion pour la pêche à la mouche, qu’il partage avec Ciara, lui permet de décrire les lieux avec un réalisme sensoriel rare. Les falaises, la lumière changeante, les vents marins et le silence des campagnes irlandaises imprègnent chaque page.
Cette immersion rend la lecture particulièrement vivante : on entend le ressac, on sent l’odeur de l’iode, on perçoit le froid humide qui traverse les vêtements. Ce décor sauvage n’est pas seulement un fond pittoresque : il devient un acteur à part entière, capable d’isoler ou de révéler, de protéger ou d’exposer.
Une conclusion à la hauteur des promesses
Sans révéler les détails, Inishbofin mène son intrigue avec un sens du rythme maîtrisé. Gérard Coquet distille ses révélations avec parcimonie, évitant l’effet "tout d’un coup" pour privilégier une montée progressive en tension. La fin, fidèle à l’esprit de la série, apporte des réponses tout en laissant flotter une part de mystère – un choix narratif qui donne envie de relire les précédents tomes (Aughrus Point et Moorland) ou d’espérer un prolongement spirituel à cette trilogie.
Ce roman séduira aussi bien les amateurs de polars réalistes que ceux qui aiment les atmosphères dépaysantes et les personnages ancrés dans un territoire.
Avec Inishbofin, Gérard Coquet signe un polar à la fois humain et haletant, où la rudesse des côtes irlandaises se mêle aux ombres des affaires internationales. Une lecture qui vous fera voyager… et frissonner.
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