Quand le burn-out pousse à fuir, certaines choisissent la campagne. D’autres, les grands espaces. Garance, elle, prend une décision radicale : s’exiler sur une île bretonne battue par les vents. Une île où le phare ne guide pas seulement les bateaux… mais aussi les âmes perdues.
Dans So phare away, Alexia Damyl livre un roman profondément original, à la croisée de la romance lesbienne contemporaine, du récit initiatique et du fantastique énigmatique.
Le ton est doux-amer, l’ambiance envoûtante, et les apparences, trompeuses. Car ce n’est pas seulement l’amour que Garance va trouver dans cet ailleurs : c’est un cadavre sur la plage, des légendes qui prennent vie… et peut-être, un passé qu’on ne peut fuir.
Repartir de zéro : quand tout lâcher permet de tout retrouver
Le roman s’ouvre sur un épuisement. Garance, après des années à gérer le vignoble familial, craque. Son corps, son esprit, tout lui crie de fuir. Elle part donc vers l’inconnu, vers un refuge à la marge du monde.
Une île comme métaphore intérieure
Le choix de ce décor n’est pas anodin. L’île représente l’isolement nécessaire à la reconstruction, mais aussi le mystère, l’inconnu, l’inconfort. Garance arrive avec son bagage émotionnel… et découvre vite qu’ici, les silences ont du poids.
Un lieu habité par les vivants… et les morts
Car sur cette île, les histoires ne sont jamais vraiment terminées. Entre légendes locales, vieilles rancunes, et esprits farceurs, chaque habitant semble cacher quelque chose. L’ambiance rappelle les contes d’autrefois, où le merveilleux surgit sans prévenir.
Le burn-out comme catalyseur narratif
Alexia Damyl ancre son récit dans une réalité contemporaine : celle de l’épuisement professionnel, du besoin de rupture. Mais elle évite les clichés de la “reconversion douce”. Ici, changer de vie, c’est aussi faire face à l’étrange et au dangereux.
Une romance lesbienne délicate et incarnée
Au cœur de l’intrigue : une histoire d’amour entre femmes, traitée avec justesse, sensualité et pudeur. Pas d’exagération, pas de caricature, juste une rencontre progressive, entre méfiance et attirance.
Une romance sous couverture
L’amour naît ici dans un contexte trouble. L’autre femme n’est pas immédiatement une alliée : il faut l’apprivoiser, comprendre son rôle dans ce microcosme insulaire. Ce jeu d’équilibre entre confiance et secret rend la tension romantique palpable.
Un amour qui fait partie du cheminement personnel
Garance n’est pas venue chercher l’amour. Elle vient pour respirer, pour comprendre ce qu’elle veut encore de la vie. C’est dans ce contexte que la romance se tisse : comme une surprise, une évidence, un ancrage.
Une représentation LGBT+ authentique
Sans jamais forcer le trait, Alexia Damyl propose une voix lesbienne affirmée, loin des clichés, ancrée dans le réel et le symbolique à la fois. Le couple principal vit dans un monde rude, mais leur lien apporte une forme de lumière face à l’opacité du passé.
Fantômes, secrets et cadavres : une enquête à double fond
Derrière la romance, So phare away est aussi une intrigue à suspense, presque policière. Un corps est retrouvé sur la plage, et tout s’accélère.
Un meurtre ou une malédiction ?
Très vite, les soupçons se dispersent. Mais sur cette île, la vérité se dilue dans les récits oraux, les rumeurs, les superstitions. Garance comprend qu’elle n’est pas seulement venue fuir : elle est au cœur d’un mystère ancien, bien plus dangereux qu’elle ne l’imaginait.
Une communauté fermée, tissée de non-dits
L’autrice réussit à créer une atmosphère claustrophobe, malgré l’ampleur du paysage marin. Ici, tout le monde connaît tout le monde. Et chacun a ses secrets, ses regrets, ses blessures. Même les fantômes ne sont jamais vraiment partis.
Un crime miroir de la reconstruction personnelle
L’enquête devient aussi le miroir de la quête de Garance : découvrir ce qui est enfoui, comprendre ce que l’on refuse de voir, faire la paix avec ce qui nous hante. Le polar se double d’un voyage intérieur, où l’enjeu n’est pas seulement de résoudre une énigme, mais de se (re)trouver.
Quand le surnaturel éclaire l’intime
L’un des grands atouts de So phare away, c’est sa dimension fantastique subtile. Des esprits, des signes, des intuitions : rien de trop lourd, mais juste ce qu’il faut pour donner une âme aux décors et une profondeur aux silences.
Des esprits comme guides émotionnels
Les fantômes ici ne sont pas là pour faire peur. Ils symbolisent le lien entre passé et présent, entre l’invisible et ce que l’on doit affronter. Garance, en les croisant, croise aussi ses propres zones d’ombre.
Un ancrage dans la légende bretonne
L’autrice s’inspire habilement du folklore local. Le phare, les marées, les vents, les vieux récits : tout contribue à une poétique de l’étrangeté, qui renforce le sentiment d’immersion.
Le fantastique au service de la guérison
Ici, l’étrange n’est jamais gratuit. Il accompagne la transformation, il éclaire l’émotion, il donne du relief à l’intime. Loin du pur surnaturel, il agit comme un révélateur.
Ce que nous souffle So phare away au creux du vent
Au fond, ce roman est une ode au changement, à la possibilité de renaître, même quand tout semble figé. Il nous rappelle que :
Changer de décor, c’est parfois changer de peau.
L’amour arrive souvent quand on cesse de le chercher.
Les morts ont parfois encore des choses à dire.
Même au bord du monde, on peut retrouver sa place.
Et surtout, qu’il n’y a pas de vie “parfaite” — seulement celle qu’on ose inventer à partir des morceaux de soi que l’on a le courage d’écouter.
Une lecture à la croisée des genres, sensible et envoûtante
So phare away est un roman lesbien riche, accessible et émouvant, à recommander à tous les lecteurs et lectrices qui aiment les histoires de seconde chance, les mystères insulaires, et les relations humaines délicatement esquissées.
Mêlant fantastique, romance FxF, enquête et quête personnelle, le livre s’impose comme une bulle hors du temps, un refuge pour toutes celles et ceux qui veulent croire que, même brisé·e·s, nous pouvons aimer, comprendre… et vivre pleinement.
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