Et si un simple malentendu pouvait changer le cours d’une vie ? Dans Trois carnets, Stéphane Lavaud imagine une situation à la fois banale et vertigineuse : un homme trouve trois carnets abandonnés, tombe sous le charme de leur contenu… et, par un concours de circonstances, devient malgré lui un écrivain reconnu. Le roman interroge alors le pouvoir de l’écriture, le poids du mensonge, et la manière dont on se construit dans le regard des autres. À travers une narration psychologique tendue, l’auteur nous plonge dans une spirale captivante où chaque décision creuse un peu plus le piège de l’imposture.

Ce roman soulève un thème passionnant et indirect : le syndrome de l’imposteur, cette sensation pernicieuse qui pousse certains à douter de leur légitimité, même lorsque le succès est au rendez-vous.

Le syndrome de l’imposteur : un malaise moderne

Dans notre société fondée sur la performance et la reconnaissance, nombreux sont ceux qui doutent de leur mérite personnel. Le syndrome de l’imposteur n’est pas réservé aux écrivains ou aux artistes : il touche aussi les étudiants, les cadres, les enseignants, les entrepreneurs… tous ceux qui, un jour, se sont demandé s’ils étaient vraiment à la hauteur.

Pierre Duroc, personnage central de Trois carnets, ne prétend pas être écrivain. Mais lorsque le hasard le propulse dans la lumière, il se laisse happer. Le mensonge initial – involontaire – devient alors un engrenage. Et plus le succès grandit, plus le doute le ronge : est-ce lui que l’on célèbre, ou une illusion ? Cette tension devient le moteur du récit, et surtout un miroir pour le lecteur.

L’histoire montre avec acuité que le succès, loin de rassurer, peut parfois accentuer la peur d’être démasqué. Car lorsqu’on ne s’estime pas légitime, chaque compliment devient suspect, chaque louange semble usurpée.

Le rôle ambivalent des proches dans la construction de soi

Dans Trois carnets, le rôle de Sonia est central. En croyant agir pour le bien de Pierre, elle déclenche une série d’événements qu’elle ne maîtrise pas. Ce malentendu initial – envoyé d’un manuscrit qu’elle croit être de son compagnon – montre à quel point les relations affectives peuvent influencer nos trajectoires.

Le roman pose ainsi une autre question subtile : jusqu’où connaît-on vraiment ceux qui nous entourent ? Et que se passe-t-il quand ils projettent sur nous une image que nous ne reconnaissons pas, mais que nous finissons par endosser ?

Pierre, pris entre son propre doute et les attentes de son entourage, ne parvient plus à se situer. Il doute de lui, mais aussi de ses sentiments, de ses désirs profonds, de ses ambitions réelles. En cela, Trois carnets n’est pas seulement un roman sur l’imposture : c’est un roman sur l’identité, mouvante et souvent façonnée par le regard des autres.

Une réflexion sur la création et la légitimité artistique

Qui a le droit de se dire écrivain ? Celui qui écrit ? Celui qui publie ? Celui qui vend ? Trois carnets soulève ces interrogations fondamentales sur la création littéraire. Le personnage de Pierre, propulsé malgré lui dans un univers qui n’était pas le sien, découvre les coulisses de l’édition, les salons du livre, les interviews… et avec eux, le théâtre social de la notoriété.

Mais derrière l’anecdote romanesque se cache un propos plus profond : la frontière entre l’inspiration, la copie et le plagiat. En recopiant les carnets, Pierre croyait rendre hommage. En les laissant être publiés, il devient un voleur malgré lui. Que signifie alors la propriété d’une œuvre ? Est-ce l’acte d’écriture, ou la capacité à en revendiquer la paternité ?

Le roman invite ainsi à une lecture plus large : dans un monde saturé de contenus, d’images, de textes, qu’est-ce qu’une œuvre originale ? Et comment préserver l’intégrité artistique dans un système qui valorise avant tout la visibilité ?

La tentation du silence et le poids du choix

Tout au long du roman, Pierre est confronté à une alternative impossible : dire la vérité et perdre ce qu’il a gagné – amour, reconnaissance, statut – ou continuer à mentir, au risque de tout perdre autrement. Cette tension dramatique donne à Trois carnets une dynamique digne d’un thriller psychologique.

Mais au-delà du suspense, ce dilemme illustre une problématique universelle : comment affronter les conséquences d’un mensonge, même involontaire ? Et surtout, comment vivre avec le sentiment que son identité repose sur une imposture ?

Le silence, dans le roman, est à la fois protecteur et destructeur. Il permet de temporiser, d’éviter la crise immédiate, mais il enferme Pierre dans une posture intenable. Comme le suggère le titre, Trois carnets est autant une enquête intime qu’un journal d’une conscience en lutte.

L’imposture : un révélateur de vérité

Paradoxalement, c’est à travers l’imposture que Pierre se découvre vraiment. En vivant la vie d’un autre – ou plutôt celle que les autres lui prêtent – il est forcé de réfléchir à ses désirs, ses regrets, ses valeurs. Le roman montre avec justesse que le mensonge n’est pas seulement une trahison, mais parfois une tentative maladroite d’accéder à une vérité plus profonde.

Et si, au fond, le véritable sujet de Trois carnets était la possibilité de se réinventer ? D’utiliser l’erreur pour se reconstruire ? De faire d’un faux départ une vraie renaissance ?

Un roman fin, troublant et d’une redoutable justesse psychologique, qui interroge autant qu’il captive.

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