« Sois polie sois jolie, ne ris pas trop fort juste un peu… » C’est par cette litanie de prescriptions absurdes et contradictoires que commence La Hchouma, un roman bref, incisif, profondément intime et férocement politique. Premier texte de Dounia Hadni, il donne voix à une génération de femmes prises en étau entre tradition, intégration et affirmation de soi.

Ce livre-choc, sélectionné pour le Prix Léo Scheer 2025, n’est pas un manifeste théorique. C’est un cri du cœur stylisé, brut, sans concession — un roman de la fracture : celle qui sépare l’espace public de l’espace intérieur, la fille qu’on attend et celle qu’on est, la honte imposée et la dignité retrouvée.

Inspiré de ce récit autobiographique et universel à la fois, cet article développe un thème essentiel et indirect : comment les injonctions sociales et culturelles façonnent — et parfois brisent — l’identité féminine.

L’injonction contradictoire comme méthode d’effacement

Dans La Hchouma, tout commence par le corps : celui qu’on cache, qu’on surveille, qu’on commente, qu’on juge. La narratrice vit dans un double carcan : celui des traditions marocaines exigeant pudeur, obéissance, discrétion… et celui des normes parisiennes prônant performance, liberté, séduction.

Mais cette « liberté » est-elle réelle lorsqu’elle reste balisée par des attentes patriarcales inversées ? Sois sexy, mais pas vulgaire. Sois pieuse, mais pas soumise. Sois forte, mais reste douce.

La hchouma — la honte — devient le ciment de cette oppression. Elle rôde partout : dans le maquillage trop voyant, la robe trop courte, le rire trop bruyant, la parole trop libre. C’est un filet invisible, transmis de génération en génération, qui contraint les femmes à jouer un rôle sans jamais habiter pleinement leur vie.

L’héritage culturel : refuge ou prison ?

Loin de dresser un procès caricatural de ses origines, Dounia Hadni propose une exploration fine et nuancée de ce que signifie « être issue de l’immigration ». Elle montre l’amour qu’on a pour sa famille, son histoire, sa langue — et la douleur de ne pas pouvoir s’y inscrire totalement quand on refuse les compromis.

La narratrice ne veut pas trahir. Elle veut comprendre. Elle veut se construire avec, pas contre. Mais le prix à payer semble trop élevé : faut-il renoncer à soi pour appartenir ?

Dans cette tension, le roman expose la solitude des femmes tiraillées, celles qui n’ont pas de modèle pour incarner une identité libre, cohérente et complète. Ce sont elles qui, aujourd’hui, inventent un nouveau langage.

Écriture fragmentaire, rythme intérieur

Le style de Dounia Hadni est incisif, fragmentaire, poétique. Il colle à la pensée, aux éclats de mémoire, aux coups portés par les mots. Loin des récits linéaires, La Hchouma se lit comme un journal de survie mentale, un monologue intérieur, parfois drôle, souvent amer, toujours vrai.

C’est cette forme qui donne sa puissance au texte. On ne lit pas une fiction classique : on entre dans l’expérience crue d’une femme en construction. Une femme qui remet en cause tout ce qu’on lui a appris, sans pour autant savoir encore ce qu’elle va devenir.

Et c’est précisément ce doute, cette tension, cette quête qui résonnent si fort avec les lectrices d’aujourd’hui.

Pourquoi La Hchouma est essentiel

Ce roman n’est pas qu’un récit de vie. Il est un miroir tendu à toute société qui impose aux femmes une double, triple, infinie peine : être parfaite, être conforme, être invisible tout en étant désirable.

Il est aussi un texte fondateur pour toute une génération qui ne se retrouve ni dans le roman de banlieue stéréotypé, ni dans la littérature blanche dépolitisée. C’est un livre qui ose, qui heurte parfois, mais qui nomme l’innommable avec justesse et humour.

Ce que vous trouverez dans La Hchouma

  • Un témoignage fictionnalisé incisif sur la construction d’une identité féminine entre cultures

  • Une voix neuve et percutante, ancrée dans une réalité sociale contemporaine

  • Une écriture rythmée, poétique, proche du slam ou du spoken word

  • Une réflexion sur la honte comme outil de domination

  • Une invitation à penser autrement les mots « intégration », « liberté » et « féminité »

Pour qui est ce livre ?

  • Pour les lectrices et lecteurs en quête de récits vrais, ancrés, puissants

  • Pour les femmes qui ont grandi entre deux mondes, deux langues, deux visages

  • Pour celles et ceux qui veulent comprendre les tensions silencieuses qui traversent la jeunesse française d’origine maghrébine

  • Pour les amateurs de littérature engagée, sans filtre, mais toujours littéraire

La Hchouma est un livre court, mais dont l’écho dure longtemps. Il fait mal, mais il libère. Il dit ce qu’on tait. Et il ouvre la voie à une parole nouvelle : celle des femmes qu’on n’a pas laissées être elles-mêmes, mais qui ne renoncent pas à le devenir.

Un texte coup de poing à lire, à faire lire, à relire.

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