Les récits historiques offrent souvent un regard univoque sur le passé. Quand on parle de la conquête de l’Ouest, de la colonisation du Canada ou des relations entre trappeurs et peuples autochtones, l’histoire est trop souvent racontée du point de vue des dominants. Le roman C’était notre terre de Kathleen Grissom, inspiré de la vie de Crow Mary, vient briser ce prisme. Il ouvre une voie rare et précieuse : celle d’un récit porté par une femme autochtone, prise entre deux cultures, deux noms, deux mondes.

Ce livre pose une question essentielle que nous allons explorer ici : comment les femmes autochtones ont-elles vécu l’effacement culturel et l’oppression coloniale, tout en portant la mémoire et la résistance de leur peuple ?

À travers cette thématique indirecte, mais intimement liée à l’œuvre, nous proposons une plongée dans les luttes d’identité et de survie des femmes autochtones à l’ère coloniale.

Femmes autochtones : entre enracinement et arrachement

Les femmes des Premières Nations ont longtemps occupé un rôle central dans leurs sociétés. Gardiennes des traditions, transmetteuses de savoirs, elles étaient aussi des figures de leadership, de guérison et d’équilibre. Mais la colonisation a bouleversé cet ordre. Non seulement les terres ont été spoliées, mais les structures sociales ont été ébranlées, souvent avec violence.

L’histoire de Mary, héroïne de C’était notre terre, incarne cette fracture. Née Va-la-Première, elle est enracinée dans sa culture crow. Rebaptisée Mary après son union avec un colon canadien, elle devient le symbole de l’identité bousculée, remodelée par une société étrangère.

Cette réécriture identitaire, imposée par les colons, passait souvent par des mariages mixtes, la christianisation, et le changement de nom. Ces pratiques visaient à assimiler les peuples autochtones, en effaçant leur langue, leur spiritualité et leur mémoire collective – un processus que les historiens qualifient aujourd’hui de génocide culturel.

Les pensionnats autochtones et la continuité de l’effacement

L’histoire de Mary fait écho à une autre tragédie : celle des pensionnats autochtones, qui ont existé au Canada de la fin du XIXe siècle jusqu’à la fin du XXe siècle. Ces institutions, souvent gérées par des ordres religieux, avaient pour but de "tuer l’Indien dans l’enfant". On y interdisait l’usage des langues autochtones, les pratiques culturelles et les liens avec la famille.

Plus de 150 000 enfants ont été arrachés à leurs familles. Les séquelles de ces violences sont encore palpables aujourd’hui, avec des taux de suicide, de dépendance et de pauvreté bien plus élevés dans les communautés autochtones.

Mary, arrachée à sa terre, confrontée à une nouvelle langue, une nouvelle religion, une nouvelle identité, incarne ce que tant de femmes et d’enfants autochtones ont vécu sur plusieurs générations.

Les résistances invisibles : courage, mémoire, transmission

Malgré l’oppression, les femmes autochtones n’ont jamais cessé de résister. À travers les chants, les rituels, les contes ou les récits transmis oralement, elles ont protégé l’âme de leur peuple. Cette résistance s’est faite dans l’ombre, souvent de manière silencieuse, mais elle a permis de maintenir vivants les savoirs ancestraux.

Dans C’était notre terre, Mary est tiraillée entre la volonté de s’adapter et le besoin de rester fidèle à ses origines. Ce dilemme incarne la complexité de ces identités fracturées, mais aussi la puissance de celles qui choisissent de ne pas oublier.

Aujourd’hui encore, les femmes autochtones mènent des luttes cruciales : contre les violences genrées, pour la préservation des territoires sacrés, ou encore pour la reconnaissance des langues autochtones. Elles sont les héritières de femmes comme Mary, qui, malgré tout, ont choisi de transmettre plutôt que de disparaître.

Une mise en lumière tardive mais essentielle

Depuis quelques années, un regain d’intérêt pour les voix autochtones, et en particulier celles des femmes, se fait sentir dans les sphères littéraires, politiques et médiatiques. Des autrices comme Leanne Betasamosake Simpson ou Cherie Dimaline apportent des perspectives contemporaines puissantes sur l’identité et la résilience.

Ce mouvement s’inscrit aussi dans un cadre plus large de réconciliation, notamment au Canada, avec les travaux de la Commission de vérité et réconciliation, qui appelle à reconnaître les torts du passé et à valoriser les cultures autochtones.

Mais cette réhabilitation reste incomplète. Nombre de récits, comme celui de Crow Mary, sont encore méconnus du grand public. D’où l’importance de romans comme celui de Kathleen Grissom, qui conjuguent rigueur historique et puissance narrative pour faire revivre ces mémoires invisibilisées.

Outils pratiques pour mieux comprendre et soutenir les femmes autochtones

Voici quelques pistes concrètes pour approfondir cette thématique et agir en faveur des peuples autochtones :

Lectures recommandées :

  • Les Étoiles s’éteignent à l’aube de Richard Wagamese

  • Empire of Wild de Cherie Dimaline

  • As We Have Always Done de Leanne Betasamosake Simpson

Comment soutenir :

  • Se former aux enjeux autochtones via des MOOC ou des podcasts.

  • Lire et partager les œuvres de créateurs autochtones.

  • Participer à des campagnes pour la reconnaissance des droits fonciers autochtones.

La mémoire de Mary, comme celle de tant d'autres femmes autochtones, est un appel à ne pas détourner les yeux. Elle nous demande de regarder en face les zones d’ombre de notre histoire collective, et de réapprendre à écouter les voix longtemps réduites au silence.

Pour aller plus loin dans cette exploration poignante, découvrez l’histoire bouleversante de Mary dans le roman historique C’était notre terre de Kathleen Grissom, disponible dès maintenant sur IZIBOOKS :
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