Derrière chaque forêt, chaque rivière, chaque montagne d’Amérique du Nord, il y a une mémoire, un chant, une blessure parfois, mais aussi une présence vivante. Dans Cinq siècles de vie sur le dos de la Grande Tortue – Yatatiahk / Je parle de territoires, Jean Sioui, poète wendat, nous invite à une plongée sensible et lucide dans cinq siècles d’histoire autochtone, vécus, traversés, chantés depuis le cœur même du territoire.
Ce recueil à la fois lyrique, spirituel et politique, donne à entendre une voix rare et essentielle, celle d’un peuple qui n’a jamais cessé d’exister malgré les silences de l’Histoire officielle.
Une parole enracinée, entre mémoire collective et intime
Le titre fait immédiatement référence à la Grande Tortue, figure centrale de nombreux récits cosmogoniques autochtones, symbole de la terre-mère, du continent, du monde tel qu’il est perçu par les Premiers Peuples d’Amérique. En choisissant de parler de « cinq siècles de vie », Jean Sioui inscrit sa démarche dans une longue temporalité, depuis le début de la colonisation jusqu’à aujourd’hui.
Mais cette parole n’est pas celle d’un historien au ton froid. Elle est celle du poète, de l’enfant devenu homme, de celui qui a grandi sur cette terre blessée, mais jamais vaincue. Il écrit depuis l’intérieur de sa culture, de sa langue, de sa mémoire. Et ce regard porté sur le passé éclaire aussi les fractures du présent.
Chaque poème est une trace vivante, un fragment d’histoire vue par le prisme de l’émotion, de la filiation, de l’observation du territoire. Il y a là la beauté de la nature, la douleur de l’effacement, la fierté d’une résistance, la tendresse d’un héritage.
La poésie comme acte de transmission et de guérison
Chez Jean Sioui, la poésie n’est pas ornement : elle est langage du vivant, outil de réparation, de transmission et de réappropriation. Elle tisse un lien entre les générations, entre les voix des ancêtres et celles des jeunes, entre les blessures du passé et les espoirs de l’avenir.
L’alternance entre les évocations historiques, les récits mythiques et les scènes contemporaines donne à l’ensemble une richesse narrative et symbolique puissante. On y lit les échos des traités non respectés, des pensionnats, du mépris colonial — mais aussi la lumière des chants, des rituels, des paysages habités, des mots transmis malgré tout.
L’auteur y glisse aussi un regard bienveillant mais critique sur le présent, sur les dérives écologiques, la perte de repères, et la nécessité de se reconnecter à ce qui dure : la terre, la langue, les liens.
Redonner aux territoires leur voix oubliée
Yatatiahk, « je parle de territoires », n’est pas seulement un sous-titre : c’est une déclaration d’intention poétique et politique. Car les territoires, ici, ne sont pas que géographiques. Ce sont des espaces vécus, habités, traversés par des mémoires individuelles et collectives, par des récits qu’on a tenté de faire taire mais qui continuent de parler à travers les pierres, les rivières et les mots.
Jean Sioui fait le pari — réussi — que la poésie peut redonner corps et voix à ces lieux, leur restituer leur charge sacrée, leur histoire, leur vitalité. Ce faisant, il nous invite, autochtones ou allochtones, à écouter autrement les paysages que nous traversons : non plus comme de simples décors, mais comme des témoins actifs de ce que nous sommes devenus.
Un livre à lire avec le cœur et la conscience
Jean Sioui fait partie de ces poètes indispensables qui ouvrent des ponts entre les cultures, les temps, les êtres. En donnant voix aux Wendat, à leur terre, à leur mémoire, il nous rappelle qu’aucun avenir ne peut être construit sans reconnaître — et honorer — le passé.
Dans une époque où la réconciliation avec les Premiers Peuples est au cœur des enjeux sociétaux, Cinq siècles de vie sur le dos de la Grande Tortue offre une voie sensible et puissante vers cette reconnexion.
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