Il y a des lieux qui parlent, des chemins qui racontent, des terres qui portent la mémoire. Dans Le Sentier des citrons, Alessia Castellini nous transporte au cœur de la côte amalfitaine, dans un roman aussi lumineux que poignant. À travers deux époques entremêlées, cette saga familiale dresse le portrait de plusieurs générations de femmes, reliées par une terre, un fruit, et un secret.
Avec une plume à la fois douce et précise, l’autrice italienne explore les racines, les silences, les rêves contrariés et les liens indéfectibles qui se tissent entre sœurs, mères, filles et grand-mères. Un roman comme une promenade sensorielle et historique, où le citron devient le symbole d’un héritage autant que d’une libération.
Une terre rude et lumineuse, portée par les femmes
Dans les années 1940, au lendemain de la guerre, la vie est rude sur les hauteurs de la côte amalfitaine. Les hommes sont absents, les moyens limités, mais les femmes travaillent, avancent, portent — littéralement — l’économie locale sur leurs épaules.
Elles sont nombreuses à emprunter chaque jour le sentier des citrons, un chemin escarpé entre montagne et mer, pour transporter les précieux fruits qui feront la richesse de la région. Parmi elles, Rachele et Nannina, deux sœurs jumelles que tout oppose. Rachele est l’ancrage, la terre, la tradition. Nannina est le vent, le rêve, l’évasion.
Alessia Castellini excelle dans la peinture des contrastes : entre l’attachement et la fuite, le devoir et le désir, l’identité familiale et l’envie d’un ailleurs. Leurs tensions, aussi intimes qu’universelles, nourrissent un récit vibrant, chargé d’émotions contenues.
Une quête contemporaine sur les traces du passé
Quatre-vingts ans plus tard, Ninfa et sa petite sœur Alelì découvrent des lettres et des objets appartenant à leur grand-mère disparue. Intriguées par le mystère autour de cette aïeule dont on parle peu, elles décident de suivre le sentier des citrons à leur tour, dans une quête aussi géographique que symbolique.
À mesure qu’elles remontent le fil du passé, elles découvrent des vérités familiales enfouies, des conflits oubliés, des sacrifices longtemps tus. Et surtout, elles redécouvrent la puissance des femmes qui les ont précédées — celles qui ont porté le poids des traditions autant que celui des secrets.
Ce parallèle entre les deux générations donne au roman un rythme souple et captivant, alternant les époques, les voix, les points de vue. Ce jeu d’écho entre passé et présent permet aussi de souligner les évolutions sociales, tout en rappelant que certaines luttes — pour l’autonomie, la liberté, la reconnaissance — sont encore d’actualité.
Entre Histoire, nature et intimité : un roman sensoriel
Lire Le Sentier des citrons, c’est voir les couleurs éclatantes de la Méditerranée, sentir le parfum piquant des agrumes, entendre le vent salé qui siffle entre les oliviers. Le roman déploie une richesse sensorielle qui participe à son pouvoir d’évocation. C’est un récit à la fois visuel et tactile, où la nature devient témoin des drames intimes et des réconciliations silencieuses.
Mais c’est aussi un roman d’histoire. Celui d’un territoire souvent oublié, celui des femmes italiennes de l’après-guerre, laissées dans l’ombre des récits masculins. Alessia Castellini les remet au centre, avec respect, authenticité et une grande tendresse.
Une lecture qui célèbre l’héritage féminin
Au croisement entre la saga historique, le roman initiatique et la fresque familiale, Le Sentier des citrons touche par sa sincérité. Il interroge les transmissions invisibles, les héritages affectifs, les non-dits qui façonnent des générations entières.
À travers ces femmes qui marchent, portent, aiment et parfois s’effondrent, c’est la force discrète du lien familial qui se révèle, aussi indestructible que les racines d’un citronnier accroché à la roche.
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