Un huis clos dans un monde en ruines
11H02 le vent se lève, premier roman de Sacha Bertrand, nous plonge dans un univers post-apocalyptique dense et saisissant. L’action se déroule dans une cabane accrochée à la montagne, perchée au-dessus d’un gouffre que ronge une brume toxique surgissant à heures régulières, toujours à 11h02. Ce brouillard, résidu d’un monde détruit par sa propre surconsommation, est l’un des rares survivants du « monde d’avant » — et il ne pardonne rien.
Dans ce décor minéral et aride, Myriam vit seule depuis sept ans, recluse, disciplinée, résiliente. Elle a appris à survivre, à compter chaque seconde, chaque respiration, chaque ressource. Son monde est régi par des règles strictes qu’elle suit à la lettre. Jusqu’au jour où elle découvre un enfant sauvage dans une grotte. Elle l’adopte. Le baptise Jonas. Elle devient tout pour lui : mère, professeure, guide, et bientôt... geôlière.
Ce point de départ sert de base à une réflexion puissante sur la solitude, la reconstruction, mais aussi sur les dérives de la relation entre dominant et dominé.
Transmission ou emprise ? La frontière trouble entre amour et contrôle
Au fil des pages, la relation entre Myriam et Jonas devient le cœur du récit. Ce n’est pas simplement l’histoire d’un lien mère-fils improvisé. C’est une métaphore fine et glaçante de l’emprise. Myriam, dans sa volonté obsessionnelle de protéger Jonas, construit une prison douce, où l’enfant apprend tout — sauf la liberté.
L’apprentissage devient un outil de contrôle. L’amour devient conditionnel. L’autonomie, un danger. Le roman explore alors les multiples facettes du lien toxique, tout en conservant une certaine ambiguïté : Myriam est-elle un monstre ou une survivante fragilisée ? Est-ce que l’éducation qu’elle impose est bienveillance ou domination déguisée ?
Ce questionnement permanent donne au roman une tension psychologique intense. Il fait écho à des thèmes contemporains comme l’éducation autoritaire, les relations d’emprise psychique et affective, ou encore la dépendance émotionnelle dans un monde en perte de repères.
Une nature redevenue toute-puissante
Le décor du roman, bien que minimaliste, est d’une puissance rare. La montagne, la roche, le silence, la brume... Chaque élément naturel est à la fois ennemi et repère. La nature a repris ses droits, mais elle reste imprévisible, souvent cruelle, parfois magnifique. Sacha Bertrand restitue avec brio la rudesse des paysages et leur mystère originel.
Ce cadre brut accentue la fragilité des personnages, qui ne sont plus que des silhouettes face à l’immensité. Le roman interroge subtilement le rapport de l’homme à son environnement : et si la chute de notre civilisation n’était qu’un retour à l’ordre des choses ? Dans ce monde purgé des artifices, il ne reste que la survie, les instincts, la vérité des corps.
Le lien à la nature est également un miroir de l’état intérieur des protagonistes. La montagne est abrupte comme Myriam, silencieuse comme Jonas, dangereuse comme leur relation.
Une écriture sensorielle et maîtrisée
Sacha Bertrand parvient à maintenir une tension constante tout au long du récit, grâce à une plume immersive, poétique, mais jamais alambiquée. L’écriture est fluide, précise, évocatrice. Le choix des mots reflète la rudesse du monde décrit : peu de fioritures, beaucoup de matière.
Chaque chapitre est une exploration sensorielle : on ressent le froid des pierres, l’odeur du bois brûlé, la morsure de l’angoisse. Le roman fonctionne comme un conte noir, à la fois intime et universel, où les silences comptent autant que les dialogues.
L’auteur signe ici un premier roman à la portée symbolique forte, qui interroge la résilience, le libre arbitre, la folie douce des survivants et la violence des liens humains.
11H02 le vent se lève est un texte dur, beau, dérangeant et nécessaire, à lire pour tous ceux que fascine la complexité de l’âme humaine dans des conditions extrêmes.
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