Une cohabitation intergénérationnelle pas comme les autres
Dans Trois sous un toit, Sabine Wyckaert nous ouvre les portes d’un foyer atypique où cohabitent trois femmes que tout oppose... ou presque. Jeanne, la mère, est colérique et cartésienne ; Lise, la fille, est rêveuse et un brin instable ; Agathe, la petite-fille, observe ce petit monde avec un mélange de lucidité et de désillusion adolescente. Autour d’elles gravitent deux figures hautement improbables : un chat baptisé Schopenhauer, aussi peu philosophe qu’on peut l’imaginer, et un perroquet poète prénommé Kéké, capable de réciter du surréalisme à tout va.
Ce joyeux capharnaüm pourrait n’être qu’une comédie de mœurs de plus. Mais l’autrice y insuffle un ingrédient inattendu : l’apparition d’Anne Roumanoff dans le miroir de la salle de bains. Oui, la véritable Anne Roumanoff – ou plutôt, son reflet, ou son fantôme, ou peut-être juste une hallucination... Qu’importe : cette figure fantasque agit comme un déclencheur de changements radicaux dans le quotidien bien huilé des trois femmes.
Ce point de départ original ouvre la voie à une série d’événements drôles, absurdes et touchants qui bousculent la routine familiale, forçant chacune à affronter ses contradictions, ses rêves inassouvis et ses colères refoulées.
Une comédie de la transformation et de l’acceptation
À travers l’arrivée inopinée de deux hommes – Gustave et Xavier – dans ce microcosme féminin, Sabine Wyckaert explore avec tendresse la dynamique du changement et de l’ouverture. Les personnages sont poussés à sortir de leurs schémas, à se dévoiler, à dire ce qui fait mal, ce qui fait peur, ce qui fait envie.
L’humour est omniprésent, souvent doux-amer, parfois caustique, jamais gratuit. Les dialogues sont ciselés, les situations pleines d’autodérision, et l’autrice excelle à faire naître l’émotion sous des dehors comiques. Les scènes du quotidien – repas ratés, tensions générationnelles, confidences maladroites – deviennent autant de miroirs dans lesquels le lecteur peut se reconnaître.
On rit souvent, mais avec une certaine tendresse. Car sous la légèreté de ton, l’ouvrage aborde des thématiques profondes : le deuil des illusions, la quête d’amour à tout âge, la charge mentale, le poids des héritages familiaux... autant de sujets traités avec finesse, sans lourdeur, et dans une langue à la fois fluide et rythmée.
Trois femmes, trois âges, une même quête : se sentir vivante
Ce roman choral s’attache à montrer que, quel que soit l’âge, il n’est jamais trop tard pour bousculer ses certitudes et prendre des risques. Jeanne, que l’on croyait figée dans ses habitudes, révèle une complexité inattendue. Lise, perdue entre fantasme et réalité, apprend à se reconnecter à elle-même. Agathe, enfin, observe ces femmes qui l’élèvent en apprenant à ne pas reproduire leurs erreurs.
Le message est clair : la vie ne suit pas un plan. Il faut parfois accueillir l’imprévu – qu’il prenne la forme d’un perroquet excentrique, d’un flirt imprévu ou d’une vision de comédienne dans un miroir – pour se redéfinir et enfin vivre pleinement.
Un roman cocon, drôle et profondément humain
Trois sous un toit est un roman qui fait du bien. Sans prétention, sans pathos, Sabine Wyckaert nous offre un moment de lecture réconfortant, un cocon littéraire où l’on se sent bien. C’est une comédie familiale au ton unique, un peu barrée, très touchante, et surtout terriblement juste sur ce que signifie aimer, cohabiter, affronter et pardonner.
À lire d’urgence si vous aimez les histoires de femmes fortes et imparfaites, les dialogues savoureux et les récits qui réconcilient légèreté et profondeur.
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