Une femme ordinaire en pleine révolution intime
Finaliste du National Book Award 2024, À quatre pattes de Miranda July est un roman aussi déroutant que fascinant. On y suit une femme quadragénaire, artiste « vaguement célèbre » et mère de famille, qui décide de s’accorder trois semaines de liberté. Un simple séjour dans un hôtel de New York, censé être un break temporaire, devient peu à peu une échappée existentielle.
À la suite d’un héritage inattendu, elle quitte mari et enfant pour prendre la route depuis Los Angeles. Mais très vite, elle dévie de son itinéraire : une pause dans une petite ville, un déjeuner improvisé, une nuit au motel Excelsior… et tout bascule.
Ce roman n’est pas un road trip au sens traditionnel du terme. C’est un voyage intérieur, sensuel, subversif, raconté avec une plume qui refuse de céder aux clichés. Ce que Miranda July met en scène ici, c’est une femme qui, à mi-parcours de sa vie, ose enfin se demander : et si je pouvais vivre autrement ?
Une narration audacieuse, drôle et profondément humaine
Le style de Miranda July est unique. À la fois incisif, tendre, burlesque et introspectif. Elle parvient à rendre la moindre scène cocasse, parfois absurde, tout en révélant des failles d’une grande authenticité. On rit souvent, mais on rit jaune. Derrière l’humour, se cache une réflexion acérée sur les injonctions sociales, l’usure du quotidien, et le besoin vital de rompre avec les attentes figées.
L’héroïne n’a pas de nom, comme pour mieux incarner toutes les femmes enfermées dans un rôle : mère attentive, épouse fiable, artiste modeste. Elle découvre progressivement un espace où elle peut se réinventer, ressentir à nouveau, désirer, être vue autrement que comme un rouage de la vie domestique.
Cette réinvention prend une tournure inattendue lorsqu’elle rencontre Davey, un inconnu magnétique, dans ce motel où elle n’aurait jamais dû s’attarder. Leur relation, teintée d’ambiguïté, de jeux de pouvoir et de sensualité trouble, devient le catalyseur de son éveil personnel.
Un roman sur le droit d’exister autrement
Miranda July interroge, sans manichéisme ni provocation gratuite, la manière dont la société conçoit la liberté d’une femme de plus de quarante ans. À quel moment cesse-t-on d’être une personne à part entière pour devenir uniquement une fonction ? Mère, épouse, partenaire, soutien, ménagère, artiste de second plan… Où commence la marge de manœuvre pour l’expression de ses désirs ?
À quatre pattes prend à contre-pied toutes les conventions de la littérature sur la crise de la quarantaine. Ici, pas de quête héroïque ou de reconquête romantique classique. Il s’agit plutôt d’un basculement progressif vers une autre manière d’habiter le monde, dans son corps, dans ses relations, dans son regard sur soi-même.
Ce roman donne voix à un type de personnage souvent invisibilisé : la femme qui n’a rien d’extraordinaire, mais qui ose enfin être radicalement elle-même. À travers une écriture libre et sensuelle, Miranda July signe un manifeste romanesque en faveur du droit à la jouissance, à la solitude choisie, à la transformation — sans justification.
Un roman à contre-courant, irrésistiblement vivant
Loin des récits convenus, À quatre pattes est une œuvre qui bouscule. Le roman est à la fois une satire sociale, une comédie de mœurs et une exploration intime du désir féminin. Il plaira aux lecteurs et lectrices en quête de récits audacieux, qui donnent à penser tout en faisant sourire.
C’est un livre sur le droit de dire « non », de se retirer, d’échouer, d’explorer. Sur la puissance des instants où l’on reprend possession de son corps, de son imaginaire, de son autonomie.
Laissez-vous surprendre par cette œuvre touchante et irrévérencieuse, finaliste d’un prestigieux prix littéraire, qui remet en cause nos visions stéréotypées de la liberté et de la féminité.
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